Alcoolisme

L’alcoolique est quelqu’un qui a perdu sa liberté face à l’alcool. L’alcool a un effet euphorisant et un effet anxiogène. On ne trouve pas de personnalité alcoolique type, mais bien plutôt des populations à risque. L’alcool diminue l’esprit critique du buveur.

Etude psychique:  Les troubles psychiques entraînés par la consommation d’alcool seront directement liés à son influence sur le système nerveux, et indirectement liés à la destruction physiologique, via la chronicité.

– L’alcoolique (1,5 Litre de vin par jour) pourra ne pas présenter de manifestations pathologiques s’il n’est qu’un” buveur d’habitude”.

– Le “buveur d’habitude” excessif, buvant plus que précédemment, présentera quelques troubles somatiques. Il pourra arrêter de boire suite aux conseils.

– L’alcoolique pur (toxicomane), ne peut plus se passer de l’alcool.

Formes cliniques

Alcoolisme aigu

  • Ivresse simple : On observe une excitation intellectuelle et motrice, avec parfois des manifestations d’agressivité ou de dépression. Possibilité d’euphorie, d’optimisme…
  • Ivresse augmentée : Les propos sont incohérents, avec présence de troubles neurologiques et moteurs, vision double et floue, cerebellite alcoolique, maladresse…
  • Ivresse aiguë : C’est à ce niveau qu’apparaissent les comas, les troubles neurologiques importants pouvant entraîner la mort, les hémorragies digestives…

Alcoolisme chronique

  • Tremblements matinaux : On observe des nausées, des diarrhées, des sueurs, de l’irritabilité. En cas d’arrêt d’alcool, les tremblements persistent plusieurs jours, avec cauchemars et anxiété.
  • Crises convulsives : Risquent d’apparaître après un sevrage de 48 heures, et peuvent annoncer un delirium tremens.
  • Hallucinose des buveurs : C’est un délire hallucinatoire non critiqué, sur fond d’anxiété.
  • Delirium tremens : (ou “délire tremblant”). Le sujet est massivement intoxiqué, depuis plus de 10 ans. Le DT (Delirium tremens) se déclenche après une diminution d’alcool (suite à une opération, une maladie, un sevrage volontaire…) et l’on notera les signes précurseurs suivants: Tremblements, anorexie, soif intense, anxiété, agitation nocturne. Après 2 à 4 jours survient le  DT avec: Etat confuso onirique, grande agitation, troubles neurologiques. Le patient est obnubilé, désorienté, halluciné (visuel), agité, vivant son délire dans un état de panique anxieuse. L’insomnie est totale. Le syndrome neurologique se présente avec un tremblement intense et généralisé, ainsi qu’un trouble de la parole (dysarthrie). Les signes généraux sont une température constante à 38° ou 40° avec sueur, entraînant une déshydratation importante. L’évolution sous surveillance et soins montrera en quelques jours un retour du sommeil et du calme, avec néanmoins un pronostic qui pourra être fatal (hémorragie digestive, comas hépatique…).
  • Pré-delirium tremens : Plus fréquent que le DT, présente un onirisme très riche. L’agitation est moins intense. Il y a peu de déshydratation. L’évolution sans traitement peut se faire vers la rémission.

Le traitement tentera de corriger la déshydratation en faisant boire beaucoup le patient (3 litres d’eau par jour, ou pose de perfusions). L’agitation sera calmée par Equanil (8 à 12 amp. IM par jour) et vitamines (B1, B6, B12, et PP). Le malade doit être dans une chambre, sans stimulation, attaché au besoin. Quelqu’un pourra le veiller, sans trop le stimuler.

Troubles neuropsychiques

Encéphalopathie de Gaget-Wernicke:  C’est un avitaminose B1 due à l’alcoolisme avec lésions anatomiques bilatérales cérébrales. On observera une aggravation des troubles nutritionnels, un amaigrissement, une somnolence. En période d’état, on aura des troubles psychiques (torpeur, hypersomnie, rarement un coma) et des troubles neurologiques (nystagmus ou paralysie oculomotrice, hypertonie, troubles de l’équilibre, polynévrite des membres inférieurs, troubles végétatifs). L’évolution avec traitement pourra laisser des séquelles (syndrome de Korsakoff). Le traitement sera de la vitamine B1 en IM à haute dose.

Syndrome de Korsakoff: Trouble de la mémoire résultant d’un Gaget-Wernicke ou non. On observe une amnésie antérograde, de la désorientation, de l’affabulation, une anosognosie (inconscience des troubles). L’amnésie s’attache aux faits récents. Le malade pourra croire vivre à une période ancienne, ou dans un autre lieu. On note des fausses reconnaissances, des récits fabulateurs. Le sujet a une humeur euphorique. On a aussi une douleur des masses musculaires et une abolition des réflexes (polynévrite sensitivo motrice). L’évolution est mauvaise. Le traitement sera la vitamine B1 à haute dose.

Démence alcoolique: Affaiblissement intellectuel, réversible si arrêt d’alcool.

Aspects psychodynamiques: L’alcoolisme est le symptôme d’une pathologie mentale, quelle qu’elle soit. Les éléments dépressifs sont souvent importants. L’alcoolisme est une tentative de traitement de la pathologie mentale. On peut néanmoins aussi considérer l’alcoolisme comme une pathologie en soi et qui s’auto alimente, un peu à la manière des symptômes psychosomatiques. L’évolution de la maladie est alors autonome. Sous alcool, l’individu a souvent une relation paranoïaque. Dans toutes les pathologies, l’alcoolisme garde un caractère spécifique. Au niveau de l’alcoolisme chronique, on remarque:

  • Oralité :Le plaisir est lié à l’excitation buccale. Dans les premiers temps de l’enfance de l’alcoolique, la Mère a anticipé les besoins de l’Enfant, sans lui permettre la frustration. Le sevrage est alors vécu comme une trahison. A l’âge adulte, et face à une frustration, le sentiment de trahison se réveille, n’est pas supporté et nécessite une réponse (paradisiaque) où la frustration est éliminée: C’est la boisson. On retrouve beaucoup de mots propres à cette régression, comme “biberonner”, “sucer”, “téter”… et “sevrage”.
  • Narcissisme :L’alcoolique a un narcissisme fragile, blessé. L’alcool, par l’effet euphorisant qu’il procure, va tenter de combler cette faille. “A jeun, l’alcoolique satisfait à l’idéal du Moi, et saoul au Moi idéal”. L’idéal du Moi est une représentation de l’image parentale à laquelle le sujet cherche à ressembler. Sous alcool, il retrouve le narcissisme de toute-puissance infantile (le Moi idéal est la période la plus précoce de l’enfance). L’alcoolique ne peut gérer la nostalgie des premiers mois, car il n’a pu se satisfaire de ce qu’on a pu lui proposer. FREUD considère l’alcoolisme comme une structure: soit c’est la névrose, soit on échappe à la psychose en se soumettant à l’alcool. Pour les personnes fragiles, l’intoxication alcoolique est une tentative de survie, un échappatoire.
  • Compulsion de répétition :C’est un processus d’origine inconsciente par lequel le sujet se place activement dans des situations pénibles, répétant ainsi les expériences anciennes sans se souvenir du prototype, et avec la vive impression qu’il s’agit de quelque chose de pleinement motivé dans l’actuel. Ce qui est resté incompris de la maturation fait retour sous forme de symptôme. L’alcoolique retrouve sa délivrance dans l’alcool, sans changer de manière de fonctionner.

Traitement de l’alcoolisme: Pour certains alcooliques, la pathologie principale est autour de l’alcool. Pour d’autres non. La première chose qui compte dans un soin est la demande. En général ce n’est pas l’alcoolique qui fera cette première démarche, mais sa femme (ou son mari), son médecin, son employeur… La question à demander au sujet, c’est: ” Pourquoi vous venez faire un soin?”. Très souvent, il espère quelque chose en échange (retour de sa femme, ré-emploi…). Il existe une mythologie sur le soin aux alcooliques et il est bon de leur demander comment ils l’envisagent. L’alcoolique ne demandera jamais une psychothérapie, ou du moins de façon authentique. Il faut leur laisser l’espace qui leur permette de demander. Ils doivent apprendre à demander et le soignant ne devra pas espérer de demande explicite.

L’obligation de soin (loi de 1954) est une contrainte qui ne donne de résultats qu’avec certains alcooliques paranoïaques. Le soignant a alors un rôle très sadique. Le tiers (le gendarme, le préfet…), porteur de la loi, dira des choses à l’alcoolique et le rassurera en lui signifiant qu’il n’est pas tout-puissant. Plusieurs méthodes existent dans le soin de l’alcoolisme:

  • La cure de désintoxication :L’idée est la création d’un réflexe conditionné (PAVLOV), une réaction de dégoût face à l’alcool préféré. La base du traitement est l’Espéral: Ce médicament sature une phase du métabolisme. Le malade subit une réaction très forte dés l’ingestion de l’alcool, les yeux deviennent rouges, il ressent une sensation de mort imminente. C’est l’effet “antabuse”. Il y a une notion de sadisme très marquée. L’intérêt d’une telle cure est d’arrêter la boisson mais enlever le symptôme ne guérit pas la maladie, et le malade pourra soit substituer un autre alcool, soit décompenser. C’est avant tout un conditionnement.
  • La thérapie de couple :La femme de l’alcoolique est souvent très autoritaire et la relation du couple est d’ordre sado masochiste. Le fonctionnement du couple a besoin de l’alcool. La thérapie pourra donc inclure le couple…
  • La thérapie familiale :La thérapie familiale (ou thérapie systémique) offre l’avantage de ne pas isoler le sujet dans sa maladie, en indiquant que c’est la relation entre les membres de la famille qui est pathologique (souffrante). Le patient désigné (le buveur) est le symptôme de cette souffrance. Cette thérapie permet en outre de restaurer les liens autour de l’alcoolique.
  • La thérapie de groupe :Les associations d’anciens buveurs mettent en jeu l’aspect relationnel. Il faut faire attention à tenir compte d’une part du symptôme et d’autre part de la pathologie causale. Le vrai drame pour l’alcoolique n’est pas de boire (on n’en meurt pas très vite) mais la désocialisation. Quand la femme est partie, qu’il n’a plus de travail, il meurt très vite. Les associations d’anciens alcooliques tentent d’empêcher que le sujet ne plonge trop profond. Elles remplacent une famille qui a disparu. Elles sont une “famille de secours”. L’identification sera facilitée par le fait que les membres encadrant ont vécu le problème “alcool” et s’en sont sortis.