Arrieration et Demence

Définition :On oppose le défaut de développement à la notion de régression. L’arriération mentale se caractérise par un déficit intellectuel important, résultat d’un défaut de développement et d’acquisition. Les grands arriérés ont des défenses psychotiques.

Classification :

Quotient Intellectuel
de 0 à 20… : idiots
de 20 à 50… : imbéciles ou déficients profonds
de 50 à 70… : débiles légers
de 70 à 80… : zone marginale
de 80 à 90… : lenteur d’esprit

Actuellement, on préfère la classification suivante :

  •  Déficit très profond (âge mental de 2 à 3 ans).
  •  Débiles profonds (âge moyen de 6 ans). Scolarité possible, communication verbale limitée, propreté acquise.
  •  Déficit moyen et léger.

Etiologie :

  1. Organique prénatale génétique:

o  La plus célèbre est la phénylcétonurie, révélée par le test de Guthrie (sur prélèvement sanguin au niveau du talon du bébé). Les enfants ont la peau claire, les cheveux blonds et deviennent, si on ne fait rien, débiles et épileptiques avec agitation, maniérisme, épisodes catatoniques et mouvements stéréotypés. Le traitement est simple: c’est un régime sans phénylalanine.

o Galactosémie congénitale. Trouble du métabolisme des glucides. Le test est le dosage urinaire de la galactosurie. Les enfants ont une cirrhose avec ascite et cataractes. Le traitement est un régime sans lait.

o Neurectodermatose. La plus fréquente est la sclérose tubéreuse de BOURNEVILLE. Au niveau du derme apparaissent plein de petits nodules.

o Anomalie craniocéphalique. microcéphalie…

o Hypothyroïdie congénitale. Le bébé est apparemment en bonne santé mais commencera bientôt à être en hypothyroïdie. L’ensemble des métabolismes est diminué. Le traitement est une prise journalière de thyroxine.

o Maladies chromosomiques. Les diagnostics se font par caryotype: Trisomie 21 (petite taille, faciès particulier…). Maladie de KLINEFELTER ou “XXY” (organes génitaux externes très peu développés, grande taille…). Syndrome de TURNER ou “XO” (femme de petite taille…)… etc.

  1. Organique prénatale acquise (intra-utérine):

o Embryopathies. Causes virales (comme la rubéole), radiothérapiques, médicamenteuses…

o Foetopathies. Entre le 2 ème et le 3 ème trimestre de la grossesse. Toxoplasmose, irradiations, carences nutritionnelles…

  1. Organique néonatale et périnatale:

o Grands prématurés, souffrances du cerveau par manque d’oxygène, ictère nucléaire (incompatibilité Rhésus)…

  1. Organique post-natale:

o Toutes les infections (les méningites infectieuses…).

o Hématome intracrânien.

o Causes métaboliques (déshydratation, hypoglycémie..).

o Causes toxiques (aspirine).

o Etat de mal convulsif.

o Maladie de WEST (hypsarythmie).

  1. Psychique:

o Carence affective majeure.

o Pseudo-débilité suite à repli autistique.

Troubles associés :Ces enfants seront souvent sensibles aux infections, aux hyperthermies, aux caries dentaires… Ils auront des raideurs articulaires, des troubles divers au niveau somatique et au niveau psychique. Chez tous les arriérés on note de l’angoisse (archaïque), de la dépression (dysphorie, inhibition psychique et motrice, troubles somatiques, anxiété), des troubles d’allure psychotique (négation de la relation à l’Autre, pseudo-autisme, stéréotypies, recherche fusionnelle, retrait hallucinatoire).

Thérapeutique :  Le travail institutionnel est fondamental et peut se résumer en: “parler“, “se parler” et “en parler“. Il ne faut jamais oublier l’arriéré, lors des réunions d’équipe par exemple. Le travail avec les familles est important. L’enfant doit continuer d’exister dans la tête de ses parents. Il faut faire rentrer la famille calmement dans la prise en charge, et des réunions des parents peuvent être mises en place. Il faut travailler au niveau du vécu douloureux, narcissique, et maintenir un projet de soin pour un temps précis. Il ne faut pas se substituer aux parents.

Arriération profonde:  On parlera de psychose à expression déficitaire. En institution, le respect des règles les plus simples est demandé, comme par exemple venir manger à tel endroit et à telle heure, aller aux toilettes, être habillé…  Le soin infirmier réside dans la restitution ou l’apprentissage de la plus grande autonomie possible.  Le soignant doit aider à exprimer. Les choses les plus simples sont à ré-inventer, et les projets seront à court ou moyen terme. Chaque acquisition ou consolidation vers une plus grande autonomie dans la vie en société ouvrira des possibilités pour un projet de placement ou de retour à domicile.

Activités thérapeutiques ou éducationnelles: Dessin, jouets simples… dans le but d’éveiller le patient au niveau des 5 sens. Marionnettes, musicothérapie, cinéma, réunion café, sorties restaurant, sorties parc et découverte… D’une manière générale, le quotidien est très important pour l’acquisition des règles de vie en commun, le travail sur soi (accepter et respecter l’Autre), l’écoute et l’expression, la communication etc.

Les personnes âgées:  On mélange souvent ce qui est du domaine de l’intelligence et ce qui est de l’affectif. Les troubles de l’apprentissage, du langage, des opérations mentales sont du domaine intellectuel. Mais la vie psychique inclut d’autres notions… On trouve normal que la vieillesse rende gâteux, fasse perdre la mémoire, dans une évolution logique de la vie. On ne peut savoir actuellement si l’expression déficitaire résulte d’un manque ou d’un désordre. Rien n’autorise à dire qu’il n’y a pas de vie psychique inconsciente chez un sujet déficitaire: ainsi peut-il communiquer avec autrui par lapsus comportementaux, par induction et on pourra travailler et analyser les projections, les réactions induites. L’entourage peut-être récepteur inconscient de la vie psychique du vieillard.

On n’a pas trouvé de correspondance entre une lésion, un siège de lésion et un type de comportement. Aussi est-il faux de dire qu’untel est dément sénile sur la seule vision de son déficit. Le vieux, si on évite de penser à la démence, pourra faire penser à un psychotique grave, à un autiste par l’enfermement relationnel qu’il induit ou qu’on lui impose. Très vite le choix est fait pour les gens âgés et ils n’ont plus l’ombre d’un petit choix sur la maîtrise de tout ce qui fait leur vie.

Etre autonome, c’est pouvoir être crédible. Le vieillard a une dépendance psychologique et une dépendance instrumentale. Il se présente tellement faible que l’Autre se sent tout de suite responsable de son avenir. Il y a eu un transfert de responsabilité qui piège souvent l’entourage. Rien ne nous autorise à dire que la dépendance est d’ordre neurologique, et quand bien même le serait-elle que l’on pourrait suspecter une somatisation. Alors plutôt que dire “comme un dément“, on pourra dire “comme un autiste“, laissant ainsi ouvert tout le champ de l’analyse, de l’écoute. Dans la démence comme dans la dépression par exemple, la relation à autrui est économisée.

Plusieurs hypothèses existent (génétique, fonctionnelle, causale…) concernant le rapport qu’il y a entre le comportement sénile et d’éventuelles lésions neurologiques. La découverte de ces dernières années, à propos de la démence sénile, c’est qu’on ne sait pas ce que c’est. Beaucoup de théories tentent d’appréhender la démence, et l’expliquent d’une manière soit évolutionniste, soit psychique, soit encore psychosomatique. Il se pourrait par exemple que, arrivé à un certain âge, les travaux de deuil deviennent trop prenants, envahissent trop le cerveau qui refuserait d’en assumer la charge en se déconnectant progressivement. Il faut compter avec l’ambivalence des familiers: quand ces derniers sont devenus responsables d’un vieux, la solution est le placement, avec transfert des responsabilités et de la culpabilité. Les familiers sont empêtrés dans leur ambivalence. L’institution protège ici de la peur d’être responsable vis à vis de la mort du vieux.

Le soin:  Le maître-mot est la renarcissisation. Il faudra offrir à la personne âgée une écoute, en tant que fonction anti-stress. Le vieillard se fera à l’idée que c’est arrivé (la dépendance, la régression, l’hospitalisation… etc.), et pourra, en en parlant, l’incorporer dans son psychisme. Il faut un cadre pour qu’il ne se sente pas soumis à la volonté de l’Autre. Il est trop fragile pour prendre le risque d’une relation dans laquelle se joue la rivalité.

Le vieux a besoin d’être garanti, d’éprouver la solidité du cadre, du soignant, de se prouver qu’il est vivant pour pouvoir accepter de se risquer au soin. Les thérapies de groupe sont celles qui ont le plus apporté dans le soin aux personnes âgées, à condition qu’une analyse systémique ait lieu. Cette analyse doit tenir compte de tous les individus et des évolutions dans l’interaction entre le patient, sa famille, son entourage (voisin par exemple), ainsi que les défunts. La question est: “à quoi sert le symptôme dans l’économie relationnelle?“. Il n’est pas question de supprimer le symptôme, mais de l’expliquer. Ainsi, même quand le symptôme demeure, il pourra n’être plus un problème, et l’incontinence par exemple deviendra un aspect de la vie de “Untel“.

En psychiatrie, on sait soigner les gens mais on ne sait pas gérer les soins. D’où l’importance de poser des méthodes, des cadres dont on sera les garants. Il faut veiller à ce que le patient ne soit pas soigné “en pointillés”. En gériatrie, il faut tout vérifier par soi-même car c’est le vieux qui prend le risque de l’oubli.

La prise en charge :après avoir reçu un appel (d’un voisin, du concierge, de la famille…), le psychiatre a un entretien avec le sujet pour voir si est nécessaire une hospitalisation. Ce seront souvent des désorientations qui auront fait appeler à l’aide, ou l’angoisse de l’escalier, la peur du gaz. Après un travail auprès des familles, le sujet pourra retourner chez lui, avec un suivi à domicile pour décharger et soulager la personne âgée et l’ensemble de l’entourage.

La démence sénile

Définition :affaiblissement psychique progressif et global.

Signes de début :état dépressif, troubles du caractère avec délire chronique de persécution et baisse de l’intellect. On notera toujours des troubles de la mémoire, ainsi que des troubles de l’orientation temporo-spatiale avec une altération du jugement. On pourra alors pratiquer un électroencéphalogramme, suivi d’un scanner qui permettra de déceler une atrophie cérébrale. La mémoire de fixation est la première atteinte, le sujet revivant de manière privilégiée les scènes d’enfance, ou adoptant un comportement de fugue. Les troubles du comportement sont polymorphes et témoignent de l’absence d’auto-critique (négligence de soi, actes illogiques, troubles du sommeil et des conduites alimentaires… etc.). Les troubles intellectuels, véritable noyau démentiel, traduiront le déficit global (les opérations mentales de base comme la lecture et le calcul seront longtemps conservées). Le cours de la pensée sera rapidement perturbé. Apparaîtront enfin des conduites asociales.

Tout cela entraîne une désinsertion sociale. S’y associeront des troubles caractériels, des idées délirantes avec phénomènes hallucinatoires, des atteintes neurologiques ou cardiovasculaires…

Diagnostic différentiel :il faudra écarter une confusion mentale à l’atteinte plus globale, mais dont l’évolution se fera vers la guérison.

Formes cliniques :

  • Démence sénile pure et dégénérative, soit 30 % des cas. Le début est progressif et se manifeste par un syndrome de KORSAKOV avec fabulation et fausses reconnaissances. Il pourra y avoir un début aigu (confusion mentale). En période d’état on aura des troubles de mémoire des faits récents, amnésie rétrograde sur les 20 dernières années, désorientation temporelle, confusion des générations, troubles psychotiques (les idées de préjudice deviennent envahissantes), apraxies (amnésies motrices)… L’évolution est progressive.
  • Démence sénile vasculaire, soit 20 % des cas. On observe un ralentissement intellectuel, des troubles de la mémoire globale, des troubles de l’humeur, des signes neurologiques, une aphasie (altération de la fonction psychique du langage), des troubles du champ visuel, une altération des réflexes…
  • Forme mixte, soit 50 % des cas. On y retrouve les signes des 2 formes cliniques précitées.

Aspects cliniques :

  • Dépression. Sentiment de vide, solitude particulière, reflet de la perte des Objets internes. Présence d’anxiété par rapport à l’avenir, la maladie ou l’argent. Mépris de soi, plaintes somatiques masquant la dépression. Retrait social et fuite des contacts. L’évolution de la dépression est chronique. S’y greffent des troubles somatiques (cataracte…), des réactions psychosomatiques (constipation, troubles sphinctériens), des états régressifs aigus, des tentatives de suicide. C’est une dépression d’infériorité. Le rôle de la personnalité antérieure est primordial: il existe un lien entre la frustration maternelle infantile et la dépression du vieillard (dépression anaclitique). C’est une crise de maturité: la libido se détache des Objets pour revenir sur le Sujet. Le grand intérêt pour le corporel traduit l’importance de l’angoisse de mort. Il n’y a pas de culpabilité dans la dépression du sujet âgé.
  • Névrose de transfert. On observe une ritualisation progressive de l’existence, avec obsessions et phobies. Grand sentiment d’insécurité en rapport avec l’atteinte narcissique. Hypocondrie touchant le digestif. Angoisse de mort, neurasthénie, anxiété permanente… Ce sont des moyens de défense contre le stress dû au changement. Ils tentent de restaurer le narcissisme et de renforcer le sentiment d’identité. Les troubles psychiques seront l’agressivité, le mauvais caractère, les troubles de la mémoire, du langage…
  • Organisations caractérielles. Les troubles du caractère sont accentués.
  • Conduites déviantes. Le contrôle du Moi sur les pulsions s’est affaibli, le rôle social diminue. Il y a destruction des critères de normalité et on pourra retrouver une composante agressive envers l’environnement, avec vols, destructions etc. Apparaissent des conduites régressives comme l’oppositionnisme, le puérilisme, l’adynamie aiguë, l’apathie, la grabatisation, l’agitation, la confusion mentale… il faudra toujours chercher le sens de ces conduites.
  • Conduites psychotiques. Bouffée délirante, accès maniaco-dépressif, mélancolie d’involution (absence d’inhibition et ébauche de critique), délire, puis chronicisation du délire (délires de préjudice, de jalousie, de persécution, de témoignage…).