Il y a beaucoup de synonymes, comme par exemple “cas limite”, “border-line”, “schizonévrose”, “pré-psychose”, “troubles caractériels narcissiques”, ou encore “faux self”.
Clinique: KERNBERG et BERGERET ont fait apparaître un type de personnalité particulier: cela se voit chez des gens hyper adaptés socialement, avec besoin constant d’être admiré, et adoption d’un comportement mimétique reflétant la personnalité d’un supérieur hiérarchique. Ils vivent comme s’ils avaient une maturité suffisante, en contrôlant bien leurs émotions. La difficulté apparaît quand la relation affective devient étroite, quand ils ne peuvent plus se cacher derrière un personnage. Leurs relations inter personnelles, instables, traduisent un comportement anaclitique vis à vis de l’Objet. Ce dernier est à la fois un Objet dont ils dépendent et sur lequel ils s’appuient. Il y a une attente de satisfaction passive et une manipulation agressive de l’autre.
La dépression (ou la perte de l’Objet) est leur danger majeur. C’est une dépression de type abandonnique. Il n’y a pas chez eux de culpabilité, d’auto accusation ni de remords. Ces gens sont souvent violents, et emploient la violence codifiée par la société. De temps en temps ils échappent à la règle culturelle et deviennent coléreux, vindicatifs. Il est ici question d’angoisse: leur vécu narcissique risque d’être perturbé et l’angoisse se traduit en grande crise clastique, en tentative de suicide… Ils deviennent impulsifs pour obtenir la gratification instinctuelle, immédiate, du registre du processus primaire. Dans ce besoin de ne pas vivre la frustration, on voit apparaître des symptômes tels que la boulimie, on observe des tendances sexuelles perverses (ce ne sont pas des pervers car leur choix d’Objet est chaotique, alors que pour le pervers le choix d’Objet est codifié). Ils sont extrêmement résistants à la dissociation schizophrénique, bien que vivant des petits épisodes de dissociation.
Hypothèses psychogéniques
Selon BERGERET : l’état limite n’est pas une structure, ce n’est donc ni une névrose ni une psychose (il n’y a pas de communication d’une structure à l’autre; On est soit névrosé, soit psychotique). Il y a donc un espace vide entre ces deux structures, et c’est le domaine des états limites. Les malades “états limites” ont dépassé le stade des frustrations et de la psychose et ils n’ont pas régressé vers ces fixations. Ils ne sont ni névrosés, ni psychotiques.
Un traumatisme affectif s’est produit très précocement, comme une tentative de séduction érotique faite par l’adulte. Le jeune enfant est soumis à une émotion qu’il intègre comme étant de nature génitale, sans avoir l’appareil psychique suffisant puisqu’il n’a pas atteint le stade Oedipien. Ce sera pour lui une frustration, une atteinte du narcissisme. Ce traumatisme survenant avant l’Oedipe, l’enfant n’a pas la protection adéquate. Il ne peut se réfugier tantôt vers son père, tantôt vers sa mère. Il en viendra à faire l’économie de la période Oedipienne, et entrera directement dans une pseudo latence. Le traumatisme a arrêté l’évolution libidinale. Cette pseudo latence va se prolonger jusqu’à l’âge adulte, traversant l’adolescence sans problèmes apparents. C’est là le tronc commun aménagé des états limites.
Aménagements état limite: L’aménagement état limite est un effort que le psychisme fait en permanence pour se maintenir en dehors de la névrose et en dehors de la psychose. L’état limite est avant tout une maladie du narcissisme. Le malade a dépassé le risque de morcellement mais n’a pas accédé à la relation génitalisée. La relation qu’il met en place avec les autres n’est pas duelle: c’est la dépendance et l’étayage. Son champ relationnel n’est ni névrotique ni psychotique.
Les aménagements limites conservent deux territoires : un qui est adapté à la réalité, pseudo névrotique, et un autre plus utilitaire, servant de faire-valoir. En règle générale les états limites n’ont pas accès au refoulement et ce clivage en deux territoires est le moyen d’éviter l’éclatement du Moi. C’est un aménagement toujours instable et on verra apparaître une évolution au cours de l’existence, soit de manière brusque (évolution aiguë), soit de manière plus silencieuse (évolution stable).
Evolution aiguë :il y aura une décompensation lors d’une mise à la retraite par exemple, ou lors d’un accouchement (post partum), ou encore à l’occasion d’un mariage. La confrontation à une mort symbolique (arrêt de la vie professionnelle, fin de la grossesse, enterrement de la vie de garçon) fera surgir une grande crise d’angoisse. Il pourra alors y avoir une tentative de suicide. Il s’agit toujours d’un deuxième traumatisme désorganisateur réactivant la problématique narcissique du premier traumatisme. Cette crise d’angoisse est un état transitoire pré-psychotique, pré-névrotique ou pré-psychosomatique. Le deuxième traumatisme a ouvert les portes d’un choix de pathologie, vers la névrose, vers la psychose ou vers la psychosomatisation.
Evolution stable :l’aménagement état limite débouche sur d’autres aménagements.
– Le premier possible est l’aménagement caractériel, avec soit une névrose de caractère, soit une psychose de caractère, soit enfin une perversion de caractère.
· Névrose de caractère. Le sujet “joue” à la névrose. Il n’y a pas de conflit ça/Surmoi. Le problème est dans la relation à l’Objet. La personne est hyper active, avec peu de fantasmes mais grand risque dépressif. Beaucoup de jugements moraux rigides. Ces gens se défendent de ce vécu en accusant les autres d’être responsables de leur malheur. Ils sont toujours dans l’anaclitisme et s’en servent pour dominer et non pour se rassurer. Comme il n’y a pas eu de mécanisme identificatoire (Oedipe), ils restent dans l’imitation de l’autre.
· Psychose de caractère. Ce n’est pas une psychose. Il n’y a pas de perturbation globale dans le contact à la réalité, mais néanmoins une difficulté d’évaluation de cette réalité. Les mauvais Objets sont projetés à l’extérieur, mais il reste toujours un secteur où le contact est possible. Le sujet demeure efficace socialement et ne se focalise pas sur un persécuteur.
· Perversion de caractère. On appelle ces gens des “petits paranoïaques”. Le gros problème pour eux est de se faire respecter. Ce sont des “agressifs gentils”. Ils vont rentrer en lutte avec le narcissisme de l’autre, dans un déni du fait que l’autre puisse avoir un narcissisme.
– Le deuxième aménagement possible est l’aménagement pervers.